Nuit Silencieuse [Feat Basileus Shin]

Tu aimais regarder la lune.

Oui, tu aimais la regarder et la contempler. Son éclat pale et sélène, sa forme muant au fil des nuits, tu pouvais te perdre dans sa contemplation. Quelque soit l’apparence qu’elle revêtait, tu l’admirais, de temps à autre, lorsque tu avais le temps et la liberté de laisser ton esprit se reposer et s’écouler comme un ruisseau, laissant toutes les pensées lourdes te fuir comme des rats d’égouts.

Alors, cette nuit, tu étais sortis, avec ton attirail habituel. C’est à dire, avec cette immense cape qui te couvrait tellement que tu ne ressemblais plus à un loup mais à une masse mouvante. Une cape si vieille et si moisie que l’on pourrait s’attendre à découvrir un lépreux si jamais l’on osait en relever un coin. Le tissus était épais, tenace, il ne voulais pas lâcher, mais le temps lui portait préjudice petit à petit. Sa couleur sombre similaire à celle de l’ardoise était une parure idéale pour sortir de nuit.

Oh tu le savais bien, certains préféraient les bijoux, certains préféraient l’or et les pierres précieuses, certains préféraient le velours et les peaux exotiques de reptiles. Certains préféraient étalé leur richesse par le biais de leur apparence, étalé leur pouvoir, indiquer, par un simple bracelet orné d’un joyaux à tant de carats, que leur empire financier était au moins cinq fois plus imposant que le tien. Mais toi, quand tu quittais enfin la cours des nobles, tu aimais revenir parfois à des choses plus simple. Tu aimais l’élégance, pas l’exubérance.

Bien qu’en ce moment même, ton apparence n’était pas élégance. Ton apparence était… misérable. Tu avais l’air d’un mendiant. Est-ce que tu t’en plaignais ? Non. C’était un mal pour un bien. L’élégance aidait à se faire démarquer. Mais qui remarquerait un vieux miteux entrain de mourir au bord d’une ruelle à l’orée de la nuit ?

Personne, ou du moins, très peu de monde. Et, en se moment, c’est ce qui t’intéressait. Juste, sortir, ne pas te faire remarquer. Passer une nuit au clair de lune seul sans que qui que ce soit te pose de question. Tu étais peut-être un mage et… non, en fait, tu étais un mage, il était tout à fait possible qu’on te demande ce que tu fais dehors seul en pleine nuit au milieu de ruines.

Pas n’importe lesquels, par ailleurs. Pour cette nuit, tu avais décidé de te rendre aux ruines de l’ancienne citadelle des loups, un lieu presque oublié… il faut dire que quelques fouilles étaient passées par là, c’était bien possible, oui. Et puis sûrement des pilleurs, qui irait se priver de ramasser quelques babioles et richesses cachées si elles sont là à même le seul, ne demandant qu’a être cueillies. Peut-être que les choses les plus intéressantes étaient restées enfouies sous les décombres, qu’elles avaient été détruites par le temps, ou qu’elles étaient retombées entre les pattes de quelqu’un… tu espérais que ce ne seraient pas de trop mauvaises personnes.

Alors que tu t’étais enfoncé dans les ruines, cherchant un endroit suffisamment plaisant pour stimuler ton plaisir esthétique pour y contempler la lune et te reposer un peu, tu repensas à cette cité dont tu avais entendu parler : Magus. La cité des mages. De part les enseignements que tu avais suivis, ta curiosité, mais aussi de part tes objectifs, tu étais bien intéressé de t’y rendre pour y acquérir savoir, mais il fallait absolument que tu t’occupes de quelques choses avant. Tu devais trouver… des contacts.

Tes pattes foulaient successivement anciennes dalles de pierre et sol terreux, effleurant parfois de tes écailles l’herbe humide qui glissait sous ta cape. Au final, tu revenais vers l’extérieur des ruines, sûrement, car tu vis la forêt. Mais tu ne vis pas que la forêt, non, tu vis quelques chose d’autre qui te surpris honnêtement.

Tu n’étais pas seul en ces lieux.

Une féline, pelage marron, un air fatigué, regardait plus ou moins vers toi. Ou plutôt, vers la forêt, mais tu étais presque dans l’axe. Tu étais sous l’ombre d’un pan de mur, peut être qu’elle ne t’avais pas encore vu, mais peut-être qu’elle t’avais entendu ou… alors…. Pire issue…

Elle avait entendu quelque chose d’autre, ce qui induirait la présence d’une troisième personne. Ça pourrait très bien être un animal ou une branche  d’un arbre qui craque sous la bise nocturne. Mais ça, tu ne le savais pas encore, donc tu préférais te préparer à confronter l’issue la plus contraignante. Surtout que tu ne l'avais pas remarquer, ce tierce bruit, si jamais il existait. Ce serait plutôt humiliant, pour un assassin.

Alors, tu restas dans l’ombre, où tu étais le plus discret, et te figea. Sois elle te remarquerait, masse qu’on pourrait penser informe dans les ombres, soit l’autre, si il était bien là, te remarquerait bien assez vite vu ta position. Quoi que, tu pourrais encore passer inaperçu si cette supposée présence n’était pas suffisamment à l’affût. Tu ne pouvais pas trop parier dessus, tu préférais attendre. Silencieux. Immobile. Comme un rocher, parmi les nombreux débris et pierres tombées dans ses ruines.

Eh bien… visiblement, il te faudra regarder la lune plus tard, pauvre Basileus.

Alors que tu étais figé dans les ombres, la félines sembla détourner son attention : elle ne t’avait pas vu. Tu en profites pour reculer derrière le pan de mur, refusant de t’exposer d’avantage à la vue de cette inconnue.

Tu ne t’attendais clairement pas à voir quelqu’un ici, n’est-ce pas ? Toi qui étais venu pour être au calme… voilà qui allait contre tes plans de repos bien mérité. D’autant plus que tu la vis s’enfoncer dans les ruines, visiblement, elle n’était pas décidée à partir. Mais tout ceci piqua ta curiosité : si tu ne voulais pas être vu ici ce soir, cette curieuse inconnue n’avait pas l’air de vouloir croiser qui que ce soit non plus. Peut-être avait-elle pensé à un danger, mais vu comment elle c’était figée… elle était sur ses gardes.

Puisse que hélas, tu n’avais plus rien à faire de mieux, tu décidas de la suivre, à distance, t’enfonçant de nouveau vers les ruines. Qui était-ce, que venait-elle faire ici, et pourquoi ? Venait-elle piller les lieux ?

Apparemment, oui. Tu t’étais caché en hauteur : a défaut d’être un loup, tu avais des ailes et il fallait admettre que c’était tout de même bien pratique… De plus, la féline semblait avoir oublier la présence potentielle d'un intrus : de là où tu te trouvais, elle paraissait chercher quelque chose dans les ruines, et elle y passa un long moment... où tu manquas de t’endormir. Le lieu, au moins, n’était pas déplaisant : il s’agissait vraisemblablement d’une ancienne salle de trône. Bien que fendu en deux, le vieil édifice avait survécu aux âges et restait debout au sein de ces ruines avec une arrogance royale. Même le mur qui se trouvait à son dos, tu le voyais bien, était en piteux état.

Une idée un peu saugrenue trottinait dans ta tête. Tu avais envi de t’asseoir sur ce trône. Même ne serait-ce qu’un instant, tu voulais t’y asseoir et contempler les vieilles ruines pour tenter d’imaginer et de restaurer leur gloire d’antan, ne serait-ce que dans ta tête. Que voyaient les têtes royales, assises sur leur trône ? Comment se sentaient-elles ? Puissantes, importantes ?

Tu te demandais si l’ancienne tête couronnée de ses lieux, en s’asseyant sur son vieux siège, ressentirait nostalgie, peine, chagrin, ou peut-être colère et dégoût ? Haine pour les responsables de cette destruction ? Ou peut-être, si il avait battit un nouveau royaume, y sentirait-il de l’indifférence ? Est-ce qu’il reconnaitrait son ancienne demeure ? Que ressentirait un roi étranger face à ces ruines dont il ne restait que si peu de choses, ressentirait-il compassion, s’inquiéterait-il pour son royaume ?

Puis, tu te demandas rapidement ce que le roi Ara pourrait en penser. Après tout, au final, la royauté c’était faite ennemie de ta mère, et les ennemis de ta mère étaient tes ennemis.
Et alors que ces questions tournaient dans ta tête, tu vis la féline s’approcher du trône déchu et contempler l’endroit. Tu aurais aimé être à sa place, en cet instant, toi qui mourrais d’envie d’aller sur ce trône, ne serait-ce que pour satisfaire ta curiosité. Puis, tu la vis s’approcher d’une pierre et…

Oh. Tu penchas alors la tête sur le côté. Elle essayait désespérément de la pousser, mais pourquoi ? Par ailleurs, elle avait beau essayer, elle n’y arrivait pas, et depuis ton perchoir, tu ne voyais pas grand-chose. Si elle était venue piller les lieux…

Tu te redressas, et décida de briser ton silence pour la première fois cette soirée :
« Auriez-vous… besoin d’aide ? » demandas-tu, d’une voix bien claire

Tu restas sur tes gardes, tu ne pouvais pas prévoir la réaction de la féline. Elle pourrait se sentir menacée et attaquer, et tu n’avais pas spécialement envie de te battre ce soir. Tu guettas alors attentivement sa réaction…

La féline ne manqua pas de réagir, bondissant en arrière, surprise, avant de braquer son arbalète. Elle était armée… tu avais bien fait de te méfier. Fort heureusement, elle avait braqué son arbalète dans le vide, ne semblant pas réaliser que tu te trouvais en hauteur. Cependant, si elle t’avait localisé et qu’elle aurait souhaiter t’attaquer, ça aurait pu être dangereux.

Elle te chercha pendant un instant, avant de finir par se calmer et de poser sa patte au sol. Son arbalète n’était plus en joue, et elle finit par te répondre :

« Certes je ne dirais pas non, mais difficile quand on ne voit personne non ? »

Tu souris pour toi-même, et laissas s’échapper un rire cristallin, amusé, et le laissa résonner dans ces ruines quelques instants. Dur de faire confiance à une personne que l'on ne voit pas, il est vrai. C’était compréhensible. Elle voulait donc que tu sortes de ta cachette.

« Il est difficile de savoir qui rode dans ces ruines. J’ai été surpris de vous trouver ici, ce soir. Comprenez-moi, je ne suis pas venu pour repartir le flan percé par un carreau d’arbalète. »

Tu te relevas, et t’étira un peu depuis ton perchoir, avant de te laisser tomber au sol. Tu contrôlas la vitesse de ta chute en déployant délicatement tes ailes, dont le blanc crème perça les teints sombres et âpres de ta parure quelques instants. Tu atterris délicatement à bonne distance de la féline, lui tomber dessus était surement la pire des idées. Plutôt la laisser te voir arriver que de l’effrayer de nouveau.

« J’avoue que votre présence ici à piquer ma curiosité. » continuas-tu

Tu commenças à t’approcher lentement, sans pour autant entrer dans un périmètre trop court... cela ne t'avantageais pas vraiment, si elle décidait de t'attaquer avec son arbalète, mais tu étais au moins conscient du danger et gardais un œil sur sa patte. Une petite idée bourgeonna dans ta tête, néanmoins.

« Bien sûr, je n’ai pas grand-chose à faire de vos affaires personnelles. Mais quelque chose me dit que vous n’arriverez pas à bouger cette pierre seule, hm ? »

Laissant alors sous-entendre que tu échangerais bien ton aide contre quelques informations. Il était clair qu’aucun de vous deux n’étais censé être ici. La féline était bien trop méfiante pour avoir la conscience tranquille en se baladant dans ces ruines… quand à toi, tu étais un loup empêtré dans une cape décadente, tu ressemblais à un mendiant mais un mendiant n'avait rien à faire ici.

Tu ne savais pas trop si elle aurait quoi que ce soit d'intéressant à t'apprendre, ou même si elle voudrait te répondre, mais à vrai dire, tu ne t'en souciais pas vraiment : tu n'étais pas venu ici pour ça. Mais, tu étais un assassin, et les assassins se devaient de saisir les opportunités qui passaient sous leur patte.

Tu t’arrêtas à une distance raisonnable, guettant la réponse de l'inconnue, restant aux aguets.

Lorsque tu lui répondis, elle sembla réaliser ta présence en hauteur. Pas trop mal, dans ces ruines où le son résonne et court le long des murs. Elle te laissa parler, et passa ensuite quelques secondes à réfléchir, surement méfiante. Elle semblait considérer ta proposition… ce qui était un point positif. Tu continuas cependant à fixer son arbalète du regard, préférant la méfiance et la sécurité. Fort heureusement, la féline finit par te répondre, avec des mots plutôt qu’une flèche.

« Bon sens de l'observation l'inconnu. »

Tu t’inclinas légèrement, acceptant le compliment. Mais après tout, il le fallait bien : avec ta profession, une erreur d’inattention, quelque chose qui échappe à ton regard, et tu te retrouverais dans de bien beaux draps… ou alors, tu serais mort, tout simplement.

« Très bien. Je ne dirais pas non, je dois avouer que j'en ai besoin. Mais que veux-tu en échange ? » demanda-t-elle alors

Sous ta capuche, tu souris. Au moins, l’inconnue coopérait, enfin pour le moment. Maintenant, il fallait que tu choisisses bien tes mots. Le sujet abordé pourrait susciter les passions, mais ça, tu ne pouvais pas le prévoir. C'était une inconnue, après tout. Peut-être qu’elle n’avait rien à voir avec ce que tu cherchais… mais il ne te coutait rien de demander, surtout si c’était pour pousser un petit rocher.

« Hm… C’est assez compliqué, vous voyez. Je cherche certaines personnes, mais, elles ne sont pas très appréciées par la Garde Royale. Si cela s’apprenait, mes affaires s’en retrouveraient compromises… Cela dit, vous ne savez pas qui je suis, alors… »

Tu balayas les ruines du regard, plissant les yeux, vérifiant que tu ne voyais pas soudainement une quelconque ombre se faufiler derrière les blocs de pierre de salle de trône déchue. Mais puisse que seul le silence et le calme de la nuit répondit à ton regard, tu décidas de poursuivre, après t’être approché de l’inconnue de nouveau, penchant ta tête vers elle.

« Il se trouve que je cherche les Gardiens. Si vous avez des informations qui pourraient me permettre de les retrouver… je suppose que je pourrais ôter ce rocher de votre route. » murmuras-tu d’une voix plus basse

Tu fis ensuite quelques pas en arrière, redressant la tête, un mi sourire dessiné sous ta capuche.

« Qu’en pensez-vous ? » demandas-tu alors d'une voix plus haute et claire

Mais ton regard se riva de nouveau sur l’arbalète de la féline. Elle pourrait avoir plusieurs raisons de t’attaquer, désormais…